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L'adoption de la Loi 16 au Québec : Une réforme majeure pour les copropriétés

  • adrianleonimmo
  • il y a 15 heures
  • 6 min de lecture

Le Québec a franchi une étape historique en matière de copropriété avec l'adoption du projet de loi 16 en décembre 2019. Cette réforme, la plus importante depuis l'entrée en vigueur du Code civil du Québec en 1994, transforme en profondeur la gestion des copropriétés divises et introduit des obligations structurantes visant à protéger les copropriétaires et à assurer la pérennité des immeubles.


Un contexte qui exigeait une réforme


Au Québec, une habitation sur neuf est une copropriété, et ce nombre grimpe à une sur cinq à Montréal. L'âge moyen des copropriétés atteignait 29 ans en 2019, et le cadre juridique n'avait pas suivi l'évolution fulgurante de ce mode d'habitation depuis les années 1990.​

De nombreux syndicats étaient mal outillés pour faire face aux enjeux de gestion et de planification financière. L'absence de fonds de prévoyance suffisants a souvent conduit à des situations dramatiques où des copropriétaires devaient assumer des cotisations spéciales imprévues de plusieurs dizaines de milliers de dollars. La confiance s'érodait et les litiges se multipliaient.​


Les grandes dates de mise en œuvre


Bien que la Loi 16 ait été adoptée le 5 décembre 2019, son déploiement s'est échelonné sur plusieurs années. Les premières dispositions sont entrées en vigueur le 10 janvier 2020, mais les mesures les plus structurantes nécessitaient l'adoption d'un règlement d'application.​

Ce règlement tant attendu a finalement été publié le 30 juillet 2025 dans la Gazette officielle du Québec, et il est entré en vigueur le 14 août 2025. Cette date marque un tournant majeur : les syndicats de copropriété disposent désormais d'un cadre réglementaire complet pour se conformer à leurs nouvelles obligations.​



Les quatre piliers de la réforme



1. Le carnet d'entretien obligatoire


Toutes les copropriétés divises du Québec doivent désormais se doter d'un carnet d'entretien. Ce document, véritable mémoire vivante de l'immeuble, doit contenir un inventaire complet des parties communes, l'historique des travaux réalisés et une planification des réparations majeures sur une période d'au moins 25 ans.​

Le carnet d'entretien doit être établi et révisé par un professionnel autorisé membre de l'un des ordres suivants : Ordre des ingénieurs du Québec, Ordre des évaluateurs agréés du Québec, Ordre des architectes du Québec ou Ordre des technologues professionnels du Québec. Le professionnel doit être indépendant, c'est-à-dire qu'il ne peut être administrateur, gestionnaire, copropriétaire ou résident de la copropriété.​

Le carnet est mis à jour annuellement par le conseil d'administration et doit être révisé tous les 5 ans par un professionnel. Pour les petites copropriétés de huit logements ou moins, cette révision peut être effectuée tous les 10 ans. Les syndicats disposent d'un délai transitoire jusqu'au 14 août 2028 pour se conformer à cette obligation.​


2. L'étude du fonds de prévoyance


Le fonds de prévoyance, déjà obligatoire selon le Code civil du Québec, fait maintenant l'objet d'une étude professionnelle quinquennale. Cette étude doit être réalisée par un professionnel qualifié du secteur immobilier ou financier.​

L'étude vise à estimer les sommes nécessaires pour que le fonds de prévoyance soit suffisant pour couvrir le coût des travaux de réparations majeures et de remplacement des parties communes sur un horizon de 25 à 30 ans. Elle comprend une évaluation de l'état du bâtiment, une estimation de la durée de vie des composantes, et une analyse des scénarios de contributions financières.​

Fini le temps où les syndicats fixaient arbitrairement leurs contributions à 5% du budget sans analyse des besoins réels. Les montants à verser au fonds de prévoyance doivent désormais être établis selon les recommandations de l'étude. Comme pour le carnet d'entretien, les syndicats ont jusqu'au 14 août 2028 pour obtenir leur première étude.​


3. L'attestation du syndicat lors d'une vente


Depuis le 14 août 2025, toute vente de condo exige la remise d'une attestation du syndicat sur l'état de la copropriété. Contrairement aux deux obligations précédentes, cette exigence ne bénéficie d'aucun délai de grâce et s'applique immédiatement.​

Le vendeur doit demander cette attestation par écrit au syndicat, qui dispose de 15 jours pour la fournir. Le document doit contenir des informations essentielles sur la situation financière de la copropriété, les travaux réalisés et prévus, les inspections passées, les litiges en cours et l'état général de l'immeuble.​

Cette mesure vise à garantir la transparence et à permettre aux acheteurs de prendre une décision éclairée. Même si le syndicat ne dispose pas encore de son carnet d'entretien ou de son étude du fonds de prévoyance, il doit produire l'attestation en indiquant clairement cette situation.​


4. Protection des acomptes


Depuis le 14 août 2025, tout acompte versé par un acheteur pour l'acquisition d'une fraction de copropriété divise doit être protégé intégralement. L'acompte doit obligatoirement être déposé en fidéicommis auprès d'un professionnel autorisé : notaire, avocat ou comptable professionnel agréé (CPA).​

Cette protection s'applique tant aux copropriétés neuves qu'aux reventes. L'objectif est de garantir que les sommes versées ne soient pas utilisées à d'autres fins et qu'elles soient protégées en cas de litige ou de faillite. Cette obligation est entrée en vigueur immédiatement le 14 août 2025.​



Autres changements importants


Modifications aux règles de vote


La Loi 16 a introduit une nouvelle forme de majorité : la majorité renforcée. Elle correspond à 75% des voix des copropriétaires présents ou représentés à l'assemblée (et non 75% de tous les copropriétaires). Cette majorité est requise pour modifier l'acte constitutif ou l'état descriptif de la copropriété.​

Les conditions de la double majorité ont été assouplies pour faciliter les prises de décision. Désormais, un quorum de 50% est suffisant pour ces votes, mais 75% des personnes présentes ou représentées doivent voter en faveur. Auparavant, 75% de l'ensemble des copropriétaires devaient approuver.​


Clauses pénales


Les clauses pénales applicables en cas de contravention à la déclaration de copropriété font désormais partie intégrante de l'acte constitutif. Toute modification ou ajout d'une clause pénale nécessite donc une majorité renforcée et un acte notarié.​


Obligations accrues pour les promoteurs


Les promoteurs de copropriétés neuves doivent maintenant fournir au syndicat, dans les 30 jours suivant l'assemblée extraordinaire de transition, plusieurs documents incluant les plans et devis, les certificats de localisation, et notamment le carnet d'entretien et l'étude du fonds de prévoyance. Ces deux derniers documents étaient auparavant la responsabilité du syndicat, mais la loi transfère maintenant cette obligation au promoteur pour les nouvelles copropriétés.​

Cette mesure vise à protéger les futurs acquéreurs et à éviter les situations où les promoteurs présentaient des « frais de condo » artificiellement bas pour attirer des acheteurs, alors que les coûts réels étaient beaucoup plus élevés.​



Les impacts concrets pour les copropriétaires


La Loi 16 apporte plusieurs avantages tangibles aux copropriétaires et aux futurs acheteurs :


Meilleure planification financière : Les cotisations spéciales imprévues devraient devenir beaucoup plus rares grâce à une planification rigoureuse basée sur des études professionnelles.​


Transparence accrue : Les acheteurs potentiels disposent désormais d'informations fiables sur l'état réel de la copropriété avant de s'engager.​


Préservation de la valeur immobilière : Un entretien planifié et un fonds de prévoyance adéquat assurent le maintien en bon état des immeubles et protègent la valeur des investissements.​


Gouvernance améliorée : Les nouvelles exigences de communication et de documentation facilitent le travail des conseils d'administration successifs.​


Protection financière : Les acomptes protégés et les budgets réalistes réduisent considérablement les risques financiers pour les acheteurs.​



Un délai de transition pour se conformer


Le gouvernement a prévu une période transitoire de trois ans pour permettre aux syndicats de se conformer aux deux obligations les plus exigeantes : le carnet d'entretien et l'étude du fonds de prévoyance. Les copropriétés ont donc jusqu'au 14 août 2028 pour produire ces documents.​

Toutefois, l'attestation du syndicat et la protection des acomptes sont applicables immédiatement depuis le 14 août 2025. Les syndicats doivent pouvoir fournir une attestation même si leur carnet d'entretien et leur étude de fonds ne sont pas encore complétés, en indiquant simplement cette situation avec transparence.

Pour les carnets d'entretien déjà produits dans les deux années précédant l'entrée en vigueur du règlement, ils sont valides pour une période de cinq ans.​



En conclusion


La Loi 16 représente un changement de paradigme dans la gestion des copropriétés au Québec. En imposant des pratiques de gestion préventives, transparentes et durables, elle vise à éviter les dérives du passé et à professionnaliser l'administration des immeubles en copropriété​

Les syndicats doivent maintenant agir rapidement pour se conformer aux nouvelles exigences, particulièrement en mandatant des professionnels qualifiés pour la réalisation du carnet d'entretien et de l'étude du fonds de prévoyance. Cette transition exige des investissements, mais elle assure à long terme la protection des copropriétaires et la pérennité du patrimoine immobilier.​

Pour les acheteurs, cette réforme constitue une protection essentielle qui leur permet de prendre des décisions éclairées basées sur des informations fiables et vérifiables. La Loi 16 marque ainsi le début d'une nouvelle ère pour la copropriété au Québec, plaçant la transparence et la responsabilité au cœur de la gouvernance immobilière.

 
 
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